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Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/117

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à ce que je vois, le poète grec et le poète latin sont là-dessus si peu d’accord, que l’un n’a pas daigné une seule fois nommer la fortune dans ses ouvrages, comme s’il croyait qu’elle n’existe pas, tandis que l’autre l’a souvent nommée, et l’appelle même quelque part toute-puissante[1]. Cette opinion a été partagée par un célèbre historien et un grand orateur. Salluste a dit de la fortune qu’elle domine assurément en tout[2], et Cicéron n’a pas craint d’affirmer qu’elle est la maîtresse des choses humaines[3]. Pour moi, je dirai peut-être dans un autre temps et dans un autre lieu ce que je pense à cet égard[4]. Mais en ce qui concerne notre sujet, vos leçons m’ont été si utiles qu’en me comparant à la majeure partie des hommes, mon état ne me semble plus si misérable qu’auparavant.

S. Augustin. Je suis bien aise de t’avoir été utile, et je désire l’être pleinement. Mais comme l’entretien d’aujourd’hui s’est beaucoup prolongé, veux-tu que nous remettions le reste à une troisième journée, dans laquelle nous terminerons ?

Pétrarque. J’adore le nombre trois, moins parce qu’il contient les trois Grâces que parce qu’il est certain qu’il plaît beau-

  1. Énéide, VIII, 331.
  2. Catilina, VIII.
  3. Discours pour Marcellus, II.
  4. Pétrarque fait allusion au grand ouvrage de philosophie morale qu’il fit paraître dix ans plus tard sous ce titre : Remèdes de la bonne et de la mauvaise fortune.