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Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/161

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commun de tout ce qui naît. J’ai remarqué en moi ce qui arrive presque à tous mes contemporains, car je ne sais pourquoi les hommes vieillissent aujourd’hui plus vite qu’autrefois.

S. Augustin. La vieillesse des autres ne te rendra pas la jeunesse, et leur mort ne te donnera pas l’immortalité. Laissant donc les autres de côté, je reviens à toi. Dis-moi, la vue du changement de ton corps n’a-t-elle point changé quelque peu ton âme ?

Pétrarque. Elle l’a émue assurément, mais elle ne l’a point changée.

S. Augustin. Qu’as-tu pensé alors, et qu’as-tu dit ?

Pétrarque. Que voulez-vous que j’aie dit, sinon ce mot de Domitien : Je supporte patiemment que mes cheveux blanchissent dans mon adolescence[1] ? Un si grand exemple m’a consolé de mes quelques cheveux blancs. À un empereur j’ai adjoint un roi. Numa Pompilius, qui, parmi les rois de Rome ceignit le diadème le second, eut, dit-on, des cheveux blancs dès sa jeunesse. Les exemples des poètes ne m’ont pas manqué non plus, puisque notre Virgile, dans les Bucoliques, qu’il écrivit, on le sait, à l’âge de vingt-sept ans, a dit, en parlant de lui-même sous le masque d’un berger : Lorsque ma barbe blanche tombait sous le rasoir[2].

S. Augustin. Tu as une grande quantité

  1. Suétone, Domitien, XVIII.
  2. Églogues, I, 29.