Aller au contenu

Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

litière des passions humaines, tu te seras soumis entièrement à l’empire de la vertu. C’est alors que tu seras libre, ne manquant de rien, indépendant, en un mot roi, véritablement puissant et parfaitement heureux.

Pétrarque. Je regrette maintenant le passé, et je désire ne rien désirer ; mais je suis entraîné par une mauvaise habitude, et je sens toujours un certain vide au fond de mon cœur.

S. Augustin. Voilà, pour en revenir à notre sujet, voilà ce qui te détourne de la pensée de la mort. C’est ce qui fait qu’embarrassé par les soucis de la terre, tu ne lèves point tes regards en haut. Si tu m’en crois, tu rejetteras ces soucis qui sont comme des fardeaux mortels pour l’âme et cela ne te sera pas bien difficile si tu te règles sur ta nature et si tu te laisses conduire et gouverner par elle plutôt que par les folies du vulgaire.

Pétrarque. Je le ferai bien volontiers, mais je désire depuis longtemps entendre ce que vous avez commencé à dire sur l’ambition.

S. Augustin. Pourquoi me demander ce que tu peux faire toi-même ? Sonde ton cœur, tu verras que, parmi les autres vices, l’ambition n’occupe pas la dernière place.

Pétrarque. Il ne m’a donc servi à rien d’avoir fui les villes quand j’ai pu ; d’avoir méprisé le monde et les affaires publiques, d’avoir recherché le fond des bois et le silence des champs, d’avoir témoigné de l’a-