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Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/89

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les honneurs, quoique tu dises abhorrer les ennuis que cause leur recherche, de même qu’il ne dédaigne point d’avoir vu Rome celui qui, effrayé des fatigues du voyage, recule devant son entreprise. Note bien que tu n’as pas reculé, comme tu sembles le croire et tu essayes de me le persuader. Ne te cache point avec le doigt, comme dit le proverbe : toutes tes pensées, toutes tes actions sont devant mes yeux, et quand tu te glorifies d’avoir fui les villes et aimé les forêts, je n’y vois point une excuse, mais un changement de culpabilité. On parvient au même but par plusieurs chemins, et crois-moi, quoique tu aies quitté la route frayée par le vulgaire, tu te diriges par un sentier détourné vers cette même ambition que tu dis avoir méprisée, et où te conduisent le repos, la solitude, l’insouciance absolue des choses humaines, et tes travaux, qui jusqu’à présent ont pour objet la gloire.

Pétrarque. Vous m’acculez dans un coin d’où je pourrais m’esquiver ; mais comme le temps est court et qu’il faut le partager entre beaucoup de choses, continuons, s’il vous plaît.

S. Augustin. Suis-moi donc, je vais devant. Ne parlons point de la gourmandise, pour laquelle tu n’as aucun penchant, à moins qu’une aimable réunion d’amis ne vienne quelquefois t’inviter au plaisir de la table. Mais je ne crains rien de ce côté-là, car, lorsque la campagne a recouvré son habitant arraché aux villes, ces tentations disparaissent tout à coup, et, une fois