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Page:Paine - Théorie et pratique des droits de l homme (1793).djvu/24

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L’expérience de tous les tems & de tous les âges, a démontré qu’il est impossible de contredire la nature dans la distribution des facultés intellectuelles. Elle les dispense à sa volonté. Quelque règle qu’elle paroisse suivre pour les disséminer parmi les hommes, cette règle demeure un secret pour nous : il seroit aussi ridicule de prétendre fixer l’hérédité de la beauté, que celle de la sagesse. On aura beau définir la sagesse ; elle n’en sera pas moins comme une de ces plantes qui naissent sans être semées. On peut les cultiver lorsqu’elles germent ; mais on ne peut les faire naître à la volonté. La masse générale de la société possède toujours une quantité suffisante de sagesse pour subvenir à ses besoins ; mais elle n’est pas constamment le partage des mêmes parties du corps social ; tantôt elle se montre dans un lieu, tantôt dans un autre : sans doute elle a circulé dans toutes les familles de la terre, sans se fixer dans aucune.

Puisque tel est l’ordre de la nature, celui du gouvernement doit nécessairement le suivre, ou bien le gouvernement, comme nous le voyons, dégénère en ignorance. Le systême héréditaire ne répugne donc pas moins à la sagesse humaine, qu’aux droits de l’humanité ; il n’est pas moins absurde qu’injuste.

De même que la république des lettres donne naissance aux meilleures productions littéraires, en ouvrant au génie une carrière brillante & universelle, ainsi le systême d’un gouvernement représentatif est combiné de manière à produire les loix les plus sages, puisqu’elle va chercher la sagesse par-tout où elle se trouve. Je souris en moi-même, lorsque je songe à la ridicule nullité dans laquelle tomberoient la littérature & toutes les sciences, si l’on en faisoit des professions héréditaires ; & j’applique la même idée aux gouvernemens. Un ad-