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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/162

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railles. Et quoy ? en temps de Paix les murailles sont inutiles, quelques grands thresors et labeurs qui y ayent esté employez. Ayant donc consideré ces choses, ie trouuay, que lesdites Villes ne me pouuoient seruir d’aucun exemplaire, veu que quand les murailles sont gagnees, la ville est contrainte se rendre. Voila bien vn pauure corps de Ville quand les membres ne se peuuent consolider, et aider l’vn l’autre. Brief, toutes telles Villes sont mal designees, attendu que les membres ne sont point concathenez auec le corps principal. Il est fort aisé de battre le corps, si les membres ne donnent aucun secours. Quoy voyant, i’ostay mon esperance de prendre aucun exemplaire és Villes qui sont edifiees à présent, ains transportay mon esprit, pour contempler les pourtraits des compartimens, et autres figures qui ont esté faites par maistre Iaques du Cerseau, et plusieurs autres pourtrayeurs. Ie regarday aussi les plans et figures de Victruue et Sebastiane, et autres Architectes, pour voir si ie pourrois trouuer en leurs pourtraits quelque chose, qui me peust seruir, pour inuenter ladite Ville de forteresse : mais iamais il ne me fut possible de trouuer aucun pourtrait, qui me sçeust aider à cest affaire. Quoy voyant, ie m’en allay comme vn homme transporté de son esprit, la teste baissee, sans saluer ny regarder personne, à cause de mon affection, qui estoit occupee à ladite Ville, et m’en allant, ainsi faisant, visiter tous les iardins les plus excellens qu’il me fut possible de trouuer (et ce, à fin de voir s’il y auoit quelque figure de labyrinthe inuentee par Dedalus, ou quelque parterre, qui me peust seruir à mon dessein), il ne me fust possible de trouuer rien, qui contentast mon esprit. Alors ie commençay d’aller par les bois, montagnes, et vallees, pour voir si ie trouuerois quelque industrieux animal, qui eust fait quelque maison industrieuse : ce que cerchant, i’en vis vn tres-grand nombre, qui me rendit tout estonné de la grande industrie que Dieu leur auoit donnee : et entre les autres, ie fus fort esmerueillé d’vne forteresse, que l’oriou[1] auoit faite, pour la sauue-garde de ses petis, car ladite forteresse estoit pendue en l’air, par vne admirable industrie : toutesfois, ie ne peu là rien profiter pour mon affaire. Ie vis aussi vne ieune limace, qui bastissoit sa maison et forteresse

  1. Le Loriot, Oriolus Galbula, L.