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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/209

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ET FONTAINES.

plus, ie ne mentirois point, parce que les marees les plus hautes sont en la pleine lune du mois de Mars, et à celle du mois de Iullet : auquel temps elle couure plus de terre és parties maritimes des insulaires Xaintoniques, que non pas en nulle autre saison. Si ainsi estoit que les sources des fontaines vinssent de la mer, comment pourroient elles tarir en esté, veu que la mer n’est en rien moindre qu’en hyuer, prens garde à ce propos, et tu connoistras que si la mer alaictoit de ses tetines les fontaines de l’vnivers, elles ne pourroient iamais tarir és mois de Iullet, Aoust et Septembre, auquel temps vn nombre infiny de puits se tarissent. Il faut que ie dispute encores contre toy et tes Philosophes Latins, parce que tu ne trouues rien de bon s’il ne vient des Latins. Ie te di pour vne regle generale et certaine, que les eaux ne montent iamais plus haut que les sources d’où elles procedent[1]. Ne sçais tu pas bien qu’il y a plus de fontaines és montagnes que non pas aux vallees : et quant ainsi seroit que la mer fust aussi haute que la plus haute montagne, encores seroit il impossible que les fontaines des montagnes vinssent de la mer : et la raison est, par ce que pour amener l’eau d’vn lieu plus haut pour la faire monter en vn autre lieu aussi haut, il faut necessairement que le canal par où l’eau passe soit si bien clos qu’il ne puisse rien passer au trauers : autrement l’eau estant descenduë en la vallee elle ne remonteroit iamais és lieux hauts, mais sortiroit au prochain trou qu’elle trouueroit. À présent donc ie veux conclure que quand la mer seroit aussi haute que les montagnes, les eaux d’icelle ne pourroient aller iusques aux parties hautes des montaignes, d’où les sources procedent. Car la terre est pleine en plusieurs lieux de trouz, fentes, et abysmes, par lesquels l’eau qui viendroit de la mer sortiroit en la plaine, par les premiers trouz, sources ou abysmes qu’elle trouueroit, et au parauant qu’elle montast iusques au sommet des montagnes, toutes les plaines seroyent abysmées et couuertes d’eau : et qu’ainsi ne soit que la terre soit percée, les feux continuels, qui sortent des abysmes amenent auec soy des vapeurs sulphurees, qui en rendent tesmoignage, et ne faudroit qu’vn seul trou, ou vne seule

  1. On reconnaît ici, et dans ce qui va suivre, les bases de la théorie de nos jaillissements artésiens.