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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/229

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ET FONTAINES.

Practique.

Ie t’ay dit cy deuant qu’en la face de ta fontaine tu mettrois telle beauté ou enrichissement que bon te sembleroit, et qu’il faudroit vn robinet en ladite face.

Theorique.

Et si ainsi est, il me faudra tirer l’eau comme le vin d’vn tonneau, et pour ceste cause ne se pourra appeller fontaine. Car les fontaines naturelles sourdent tousiours.

Practique.

Si iamais ie n’auois veu de fontaines tu me ferois accroire beaucoup de choses : et ne sçait on pas bien que celles de Paris et vn millier d’autres se tirent par robinets ?

Theorique.

Voire, mais tu m’as dit que les fontaines que tu m’apprend à faire seruiront pour moy et pour mes bestes ; veux-tu qu’elles aillent tendre la gueule au dessouz du robinet ?

Practique.

Ie ne sçay comment tu oses faire une telle demande. Ne sçaurois tu faire quelque receptacle à costé, hors le chemin de ta fontaine, pour retirer de l’eau afin d’en abreuuer ton bestail ? ie ferois vn robinet à part sur le coing de la fontaine, et quand il faudroit abreuuer le bestail il le faudroit ouurir et le laisser descouler dedans l’abreuuoir, et alors tes bestes boiroyent de l’eau fresche, pure et nette.

Theorique.

Voire, mais ce seroit dommage d’employer tant de terre pour seruir seulement en fontaine.

Practique.

Ie ne connus iamais homme de si peu d’esprit : estimes tu si peu de chose l’vtilité des fontaines ? y a-il quelque chose en ce monde plus necessaire ? ne sçais tu pas que l’eau est l’vn des elements, voire le premier entre tous, sans lequel nulle chose ne pourroit prendre commencement ? ie dy nulle chose animee, ny vegetatiue, ny minerale, ne mesmes les pierres, comme ie te feray entendre en parlant d’icelles.

Item, ie t’ay dit que tu pourras planter toutes especes d’arbres dedans le parterre : et si ainsi est, estimes tu vne terre inutile de produire arbres fruictiers ou autres ? il faut à present que ie te face vn long discours de ton ignorance, et de cent mil autres, laquelle ie ne puis assez detester, et mon es-