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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/264

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DES METAVX

formee en pointes de diamants, et ce durant le temps que les eaux communes estoyent plus hautes que lesdittes matieres : car autrement iamais le cristal ne se fust formé par pointes. Tu sçais bien que tous ceux à qui i’ay fait demonstration de laditte pierre ont approuué mes arguments, sans aucune contradiction. Et pour venir à la preuue du cinquiesme element, ladite pierre m’a aussi serui de preuue : par ce que leur ay prouué que iamais ne se forma cristal ny autres pierres à pointes ou à faces, qu’elles ne fussent dedans les eaux communes, et que la verité est telle, que le cristal, le diamant, et toutes pierres diaphanes ne sont formees que de matieres aqueuses, et puis que le cristal et autres pierres diaphanes se forment au milieu des eaux communes, ne voulant avoir aucune affinité auec elles en leur congelation, non plus que le suif, la graisse, les huiles, la poix-rasine et autres telles matieres, lesquelles se separent des eaux communes : Il faut conclure donc que l’eau de laquelle le cristal est formé, est d’vn autre genre que non pas les eaux communes : et si elle est d’vn autre genre, nous pouuons donques asseurer qu’il y a deux eaux, l’vne est exalatiue et l’autre essenciue, congelatiue et generatiue, lesquelles deux eaux sont entremeslees l’vne parmi l’autre, en telle sorte qu’il est impossible les distinguer au parauant que l’vne des deux soit congelee[1].

Theorique.

Si tu mets vn tel propos en auant l’on se moquera de toy : par ce que les Philosophes tiennent pour chose certaine qu’il n’y a que quatre elements : et s’il y auoit deux genres d’eau, comme tu dis, il y en auroit cinq.

Practique.

Ie te l’ay assez fait entendre par le cristal, lequel quand il se veut congeler le plus souuent dedans les neiges, il se se-

  1. Palissy donne une trop grande extension à une idée d’ailleurs ingénieuse et qui n’est pas sans quelque fondement. L’eau qui entre dans la composition intime des végétaux et de certains minéraux ne diffère pas de celle que la chaleur peut en séparer ; de même que le calorique retenu par les corps, dans leurs divers états, ne diffère point de celui que l’on peut apprécier par le thermomètre. Néanmoins, pour montrer que, sans changer de nature, l’une et l’autre se trouvent dans des états différents, on nomme la première : eau de végétation, de cristallisation, comme on distingue le calorique latent du calorique sensible.