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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/296

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DES SELS DIVERS.

des petits enfans quand on les baptise, et on ne les appelleroit pas Bourgongnons salez, comme l’on fait. Les natures brutales ne diront pas que le sel leur soit ennemi : car les cheures en mangeront autant qu’on leur en sçauroit bailler, et mesmes vont cherchant les murailles pisseuses, pour les lecher, à cause du sel des vrines ; les pigeons ne pouuans trouuer du sel à leur commodité, quand ils trouuent quelque vieille muraille, de laquelle le mortier ait esté fait de chaux et de sable, et qu’elle soit tant peu commencée à ruiner, on verra les pigeons tous les iours apres ladite muraille ; et les hommes qui viuent sans philosophie disent que les pigeons mangent le sable. Mais c’est vne moquerie : ce seroit l’or potable de pigeons : car il est indigest, et ne faut penser qu’ils cherchent autre chose que la chaux, qui est dans le mortier, à cause de sa salsitude, et s’ils aualent quelque grain de sable, c’est contre leur volonté et intention. Les huistres se nourrissent la plus grand part de sel, et leurs coquilles en sont faites, lesquelles elles mesmes ont basties ; et qu’ainsi ne soit, on le void euidemment : par ce que lesdites coquilles estant iettees dans le feu, elles pettent en pareille sorte que le sel commun. Et si le sel a ceste vertu d’esmouuoir les parties genitalles (comme i’ay dit) c’est une chose certaine et bien approuuée que les huistres causent vne mesme action ; qui est attestation de ce que i’ay dit, que les huistres sont nourries la pluspart de sel. Et pour mieux monstrer que le sel n’est pas ennemi des natures vegetatiues, voyons vn peu la maniere de faire des laboureurs Ardennois ; en certaines contrées des Ardennes ils coupent du bois en grande quantité, le couchent et arrangent en terre, en sorte qu’il puisse auoir air par dessouz : apres ils mettent vn grand nombre de mottes de terre sur ledit bois, sçauoir est de la terre herbeuse en forme de gasons, puis ils font brusler le bois au dessouz desdittes mottes, en telle sorte que les racines des herbes qui sont en ladite terre sont bruslées, et quand laditte terre et racines ont souffert grand feu, ils l’espandent par le champ comme fumier, puis labourent la terre et y sement du seigle : au lieu qui au parauant n’estoit que bois le seigle s’y treuue fort beau : et font cela de seize ans en seize ans : car ils la laissent reposer seize années, et en quelques endroits six années, et en d’autres que quatre : durant lequel temps la terre n’estant point labourée,