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DV SEL COMMVN.

de la mer, ce neantmoins d’autant que la terre n’estoit pas glueuse ny tenante comme celle de Xaintonge, il n’a peu venir au bout de son intention, et sa despence a esté perdue : d’autant que les terres qu’il auoit fait creuser pour former les dits marez estoyent arides et sableuses, qui ne pouuoyent contenir l’eau.

Combien que nos predecesseurs des isles Xaintoniques ayent trouué certains platins, ou lieux bas, limitrophes de la mer, et que les terres du fond ayent esté trouuées naturellement glueuses ou argileuses, cela n’a pas suffi pour paruenir à leur dessein : car il a fallu inuenter une maniere de conroyer ladite terre en la sorte et maniere que ie te diray cy apres.

Si nosdits predecesseurs n’eussent eu vn grand iugement et consideration en formant les marez sallans, ils n’eussent rien fait qui eut valu : ayans donc consideré les platins plus bas que la mer, ils ont trouué qu’il faloit trancher vn canal qui peut amener aisement l’eau de la mer iusques aux lieux pretendus, pour faire le sel. Ayant ainsi creusé certains canaux ils ont fait venir l’eau de la mer iusques à vn grand receptacle qu’ils ont nommé le iard[1], et ayant fait vne ecluse audit iard ils ont fait au bout d’iceluy d’autres grands receptacles, qu’ils ont nommé conches[2], dedans lesquelles ils laissent couler de l’eau du iard en moindre quantité que non pas audit iard, et d’icelles conches ils font passer l’eau dedans le forans par vne tronce de bois percée, qu’ils appellent l’Amezau, lequel est par dessouz le bossis, et d’iceluy forans la font passer par deux bois percez qu’ils appellent les pertuis des poelles, pour entrer dedans certains lieux qu’ils nomment entablements, viresons, et moyens, lesquels sont faits par une telle mesure, que l’eau de laquelle l’on veut faire sel, faut qu’elle tourne et enuironne vn bien long chemin et par diuers degrez, au parauant que l’on la laisse entrer dedans les parquets du quarré destiné à faire le sel. Il faut noter que combien que l’on face passer laditte eau par plusieurs degrez enclos aux receptacles, si est ce que de receptacle en autre l’eau est mise en moindre quantité, decoulant de l’vn à l’autre tousiours en diminuant,

  1. Probablement du mot anglais yard, cour, surface de terrain plate et limitée, lequel sans doute est aussi la racine du mot jardin.
  2. Réservoirs ; de concha, coquille.