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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/325

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DES PIERRES.

contrée, et qu’elle peut auoir autant gaigné en vn autre endroit : comme ainsi soit, que pres la coste d’Aluert, gueres loing du passage de Maumusson, qui est si fort dangereux, les habitans du pays disent auoir passé autrefois de liesse d’Aluert en l’isle d’Oleron, en ayant mis seulement vne teste de cheual ou de bœuf à vn petit fossé, ou autrement petit bras de mer, qui se ioignoit des deux bouts à la grand mer. Et aujourd’huy les nauires de quelque grandeur qu’elles soyent, passent par là pour le plus court chemin de Bordeaux à la Rochelle, ou en Bretaigne, en Flandres et en Angleterre : et au parauant il falloit tourner alentour de l’isle d’Oleron. Voila vn tesmoignage comment la mer se diminuant d’vne part, accroist d’autre part. Dont i’ay pris tesmoignage que le rocher qui est tout plein de diuerses especes de coquilles a esté autrefois vases marins, produisans poissons. Si aucuns ne le veulent croire, ie leur monstreray ladite pierre, pour couper broche à toutes disputes. Et par ce qu’il se trouue aussi des pierres remplies de coquilles, iusques au sommet des plus hautes montagnes, il ne faut que tu penses que lesdites coquilles soyent formées, comme aucuns disent que nature se iouë à faire quelque chose de nouueau. Quand i’ay eu de bien pres regardé aux formes des pierres, i’ay trouué que nulle d’icelles ne peut prendre forme de coquille ny d’autre animal, si l’animal mesme n’a basti sa forme : parquoy te faut croire qu’il y a eu iusques au plus haut des montaignes des poissons armez et autres, qui se sont engendrez dedans certains cassars ou receptacles d’eau, laquelle eau meslee de terre et d’vn sel congelatif et generatif, le tout s’est reduit en pierre auec l’armure du poisson, laquelle est demeurée en sa forme. Et ne faut pas que tu m’allegues qu’il faudroit donc que l’eau des pluyes eust auec soy quelque substance salsitiue et generatiue, et ne faut point que tu doutes de ce : car si autrement estoit, les crapaux et grenouilles, qui tombent bien souuent auec les pluyes ne pourroient estre engendrez en l’air ; d’autre part tu vois souuent des murailles bien hautes, où il y aura des arbrisseaux et herbages, qui n’auront esté produits ny engendrez sinon des semences et humeurs apportées par les pluyes, et si les pluyes n’apportent auec elles quelque substance generatiue, elles ne pourroient aider à l’accroissement des semences, et mesmes les fruits arrousez d’vne eau qui ne fut point salée,