Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400

gent tous les iours, aussi les complections des hommes semblablement se changent, puis des herbes, plantes, metaux, pierres, animaux et autres ; et auant qu’il sache la vertu et faculté de tout pour s’en seruir en ce que concerne la medecine, il a long temps à estudier ; puis auant qu’il les puisse composer et ordonner, il a bien à philosopher.

Premier doit considerer le Medecin, auant que ordonner, l’acrimonie de la maladie, la force d’icelle, la force et l’aage de son malade, la temperature et habitude d’iceluy, la qualité et temperature du temps ; puis doit sçauoir et cognoistre la vertu et faculté de son medicament, pour la guerir : et ayant tout bien cogneu et consideré, encores est-il bien empesché, et quelquefois ne peut venir à ses fins.

Ie te donne à penser si les Medecins de maintenant, quand ils vont voir leurs malades, ont en recommandation toutes ces choses ; il s’en faut beaucoup. Ils ont bien en recommandation le teston, mais de guerir ne s’en soussient pas grandement ; guerisse le patient s’il peut, mais qu’ils ayent leurs mains pleines, c’est assez ; aussi font-ils de belles cures à rebours. Et ne sçauroit estre autrement : car s’ils vont chez le malade, ils n’ont pas le loisir de le regarder, de tenir le poulx, voir l’vrine, qu’ils tendent la main pour auoir le salaire et s’en aller ; et puis en iront voir cinq ou six ; puis iront chez l’Apoticaire ordonner, escriuant quelquefois l’ordonnance de l’vn pour l’autre, ne se souuenant de la maladie de leurs patiens.

Et voila les pauures malades bien seruis, et à propos, là où le Medecin deuroit demeurer vne heure pour le moins à interroger son malade, pour preuoir les incidens qui suruiennent toutes les heures, pour y obuier, ils ne font qu’entrer et sortir, prendre argent et à Dieu. Si tu prends garde aux Medecins de maintenant tu trouueras que ce n’est rien qu’auarice, et ne se soussient que d’auoir argent, guerisse ou meure le patient s’il veut.

Car ils n’ont point d’honneur deuant leurs yeux, ny aucune honte non plus que beste. Ils nous peuuent bien appeller mangeurs d’hommes, ils en ont grand raison. Ie te donne à penser qui pille ou mange mieux le patient, le Medecin ou l’Apoticaire ? Ie ne vis iamais en practique où ie fusse, que le Medecin n’eust deux fois autant d’argent, sans rien fournir que sa peine, que moy qui fournissois tout, et auois plus de peine et