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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/84

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t’ay dit, que les pierres croissent en terre, il n’y a aucune occasion, ni raison de se mocquer de moy : mais ceux qui s’en mocqueront, se déclareront ignorans deuant les Doctes : car il est certain, que si depuis la création du monde, il n’estoit creu aucune pierre en la terre, il seroit difficile d’en trouuer auiourd’huy une charge de cheual en tout vn Royaume, sinon en quelques montagnes et deserts, ou autres lieux non habitez, et donneray à present à cognoistre, qu’il est ainsi que ie t’ay dit. Considere vn peu combien de millions de pippes de pierres, sont iournellement gastees, à faire de la chaux. Item, considere vn peu les chemins, tu trouveras qu’un nombre infiny de pierres, sont reduites en poussiere, par les chariots et cheuaux, qui passent iournellement par lesdits chemins. Item, regarde vn peu trauailler les Massons, quand ils feront quelque bastiment de pierre de taille, et tu verras qu’vne bien grande partie de ladite pierre est gastée, et mise en poussiere, ou en farine par lesdits Massons. Il n’y a homme au monde ny esprit si subtil qui sçeust nombrer la grande quantité de pierres qui sont iournellement dissoutes et puluerisees par l’effet des gelees, non comprins vn nombre infini d’autres accidens, qui iournellement gastent, consument, et reduisent les pierres en terre. Parquoy, ie puis asseurement conclurre que, si les pierres n’eussent esté aucunement formees, creuës, et augmentees depuis la premiere creation escrite au liure de Genese, qu’il seroit auiourd’huy difficile d’en pouuoir trouuer vne seule, sinon, comme i’ay dit cy deuant, és hautes montagnes et lieux deserts et non habitez, et sera bien gros d’esprit, celuy qui ne le croira ainsi, s’il a esgard és choses susdites.

Demande.

Donne moy donc quelque raison, qui me face entendre, comment les pierres croissent iournellement entre nous, et lors ie ne t’importuneray plus.

Response.

Sur toutes les choses qui m’ont fait croire et entendre, que la terre produisoit ordinairement des pierres, ç’a esté, parce que i’ay trouué plusieurs fois des pierres, qu’en quelque part qu’on les eust peu rompre, il se trouuoit des coquilles, lesquelles coquilles estoyent de pierre plus dure que non pas le residu, qui a esté la cause, que ie me suis tourmenté et de-