Aller au contenu

Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
LE DRAME MODERNE.

tants, un superlatif absolu. « Il a tout vu, tout osé, tout usé. » Il s’en faut même qu’elles soient moins frénétiques dans leur chasteté. Karl aime Marie à en mourir, et Marie aime Karl aussi fortement, et le comte aime l’un et l’autre avec un égal héroïsme. Le passé de cet homme contient une histoire de gaucho et de femme scalpée, qui n’est point une berquinade. Et l’action se presse à travers des péripéties vigoureusement reliées. « Il y a des jours où les événements, qui suffiraient à toute une vie, s’entassent et se précipitent pour venir tomber sur nous en quelques heures. » Sur toute la pièce est répandue une couleur de germanisme huguenot ; mais les tableaux dramatiques (voir la scène de la Conversation à Baden-Baden, le début de l’acte III où le médecin matérialiste Fritz relit quelques lignes du rôle de Franz Moor et nous ouvre son âme criminelle, le début du IVe où le retour de la chasse nous apprend soudain que le comte a recouvré la santé), et les scènes pathétiques, et les contingences merveilleuses, et tout ce dont la foule assemblée subit le charme, reparaît ici exécuté en perfection. Non, je ne prétends pas, qu’à aucun moment l’imagination de Dumas ait été courte, ni timide, ni d’un métaphysicien.

Ce drame symbolique est aussi un drame social. Cette double vue, qui est chez Dumas instinct de dramaturge plutôt que claire conscience, rencontre une seconde fois l’inspiration d’Antony. Et du même coup elle la rajeunit. L’auteur ne s’en prend plus ni aux préjugés ni au monde. Il oppose aux progrès du positivisme les grands sentiments humains qui en peuvent rompre le cours. Au matérialisme scienti-