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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/164

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

de la vie. Il a fait, dans sa retraite forcée, une ample provision de vigueur physique et morale. Il défie le temps. Un tel homme ne saurait faiblir. Il n’arrête plus, comme Antony, les chevaux emportés ; il possède un Nubien qui le supplée dans cette fonction. Mais il a l’adresse et le courage. À vingt-cinq pas il dessine au pistolet un jeu de cartes dans la cible. De cette suprématie physique il est orgueilleux avec une pointe d’égoïsme. Ne dira-t-il pas un jour à Mercédès qu’il retrouve triste et vieillie : « Ce que j’ai le plus aimé après vous, Mercédès, c’est moi-même,… c’est-à-dire cette force qui me rendait supérieur aux autres hommes » ?

Cette confiance en soi est le meilleur de son génie. Elle ne supprime pas les effusions du cœur. Un Dumas, non plus qu’un Diderot, ne peut souscrire à ce sacrifice. À peine noterait-on qu’il se complaît davantage dans le personnage de juge, plus séant que celui d’amoureux évincé. Très assuré qu’il a éperdument aimé la belle Catalane pour avoir été en passe de l’épouser, il ne saurait aimer une seconde fois. C’est pourquoi il se laisse adorer par Haydée. Il est paternel, il est attentionné, comme pour une jolie petite chienne de race. Il produit sa pupille grecque avec contentement et sans crainte du scandale, de même que Dumas promène pendant un temps sur le boulevard une jeune femme costumée en marin et connue sous le nom de « l’Amiral ». Peut-être ai-je eu tort de le taxer d’égoïsme. Mais assurément cet homme est plus capable de volonté que de tendresse. Il porte sur les lèvres un sourire habituel, qui « est une étrange chose », qui attire