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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/30

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

écrivait Mme de Staël, Shakspeare et Racine artistement combinés. » En 1827, les comédiens anglais, en représentation à Paris, apportèrent aussi à Dumas de fécondes émotions. Le dramatiste anglais lui fut révélé dans sa vérité et ses audaces. Rappelant plus tard ce spectacle, il ne lui faut rien moins qu’une phrase de la Bible pour exprimer son transport. Il voit sur ce théâtre la passion même, « des hommes et des femmes en chair et en os ». Il est reconnaissant à Macready, Kean, Young, miss Smithson, « ses anges de poésie », d’oublier qu’ils sont des acteurs sur des tréteaux, de faire passer en lui le frisson de la vie réelle, et non pas l’illusion d’une vie factice. En cet état d’âme, il dévore des yeux, des oreilles et de toute son imagination exaltée Hamlet, Roméo, Othello, Macbeth, et probablement Richard III avec Jules César, et sans doute aussi le Marchand de Venise et la Tempête, c’est à savoir les œuvres de Shakspeare que la jeune France avait adoptées, et que Dumas déclare qu’il « savait par cœur » : ce qui signifie sous sa plume que lui aussi les avait lues. Il va sans dire qu’il en retint surtout le sens des situations fortes ou pittoresques, avec une préférence marquée pour le pathétique à la fois brutal et vrai, parfois douloureux comme dans Hamlet, qui ébranle les nerfs et prend le public à la gorge. Je ne prétends pas que ce soit là le meilleur de Shakspeare ; mais Dumas en étouffait, tout simplement ; et, au total, tel qu’il le ressentait et le comprenait, cela valait bien le tragique de M. de Jouy.

Après le départ des comédiens anglais, il vit,