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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/51

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LE DRAME HISTORIQUE ET POPULAIRE.

le saisit avidement. Et combien il a raison de suivre enfin son tempérament populaire, plutôt que d’imiter le génie tragique de son immortel devancier !

On notera que les deux premiers actes sont de beaucoup plus longs que les deux suivants, le cinquième enlevé de vigoureuse attaque. Est-ce à dire que Dumas se fatigue ? Non, mais qu’il s’échauffe et se ressaisit. Le premier et le second, dans lesquels il s’élance sur les traces de la tragédie, abondent en descriptions, mises en scène, récits (celui d’Yaqoub excellent, je le répète, celui de Raymond fatigant), exposés historiques, évocations de l’Orient, sans compter plusieurs couplets d’une couleur et d’une imagination brûlantes. Le chapelain ne nous fait pas grâce d’une seule de ses exhortations ; une scène de haute justice, interrompue par une leçon de patriotisme, sera reprise d’abondance tout à l’heure. Dumas s’emploie de son mieux à développer en vers des discours prolixes, et, bien qu’étant au rebours de Voltaire par le talent dramatique, il donne dans les mêmes erreurs sans avoir les mêmes humanités. Et je dis encore, à la façon du comte de Savoisy qui n’a jamais fini ses dires, que plus Dumas s’efforce en ce sens, qui est contraire à son besoin d’action, sinon à son goût de l’expansion, plus il est curieux de le voir peiner, lutter, regimber et enfin s’évader de la douloureuse contrainte qu’il s’est imposée, bourreau de soi-même. Il s’égaye aux tableaux pittoresques, comme le retour de la chasse ou l’arrivée du roi accompagné d’Agnès et tenant un faucon sur le poing, il s’échappe en des scènes mystérieuses, comme l’entrée du comte déguisé, et rehausse dis-