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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/64

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

moins, sa révolution du Palais. Musclé, cambré, hâlé, capable de passion, de sang-froid et de décision, robuste au plaisir, solide après l’orgie, insolent envers le pouvoir, ingénieux dans la défaite, léger de scrupules, jamais à court de moyens, et surtout énergique à toute occasion, il personnifie, à lui seul, une époque de l’imagination française. Il a un certain tour d’esprit qui dépasse l’esprit de mots : adroit à l’attaque, prompt à la riposte, il manie les maximes comme l’épée. Homme fort et délesté du poids mort de la sensiblerie, homme d’avenir, aussi, par le discernement dont il fait preuve dès le jeune âge.

La première passion éteinte, il est un de ces enfants du siècle, pour qui des lettres d’amour, bonnes à recevoir, sont meilleures à garder. Il édifie sa fortune sur des pattes de mouche. Capitaine d’aventures, il n’est pas encore chevalier d’industrie, sans être tout à fait chevalier français. Déjà très avisé, il fera école d’effrontés. Il ne dit plus avec des larmes dans la voix : « Femme ! Femme ! Femme !… » Il conserve des gages et attend l’échéance. Il n’en est presque plus à l’adoration romantique. Il a compris la femme et ses faiblesses. Il ne dédaigne pas, pour perdre la reine (cette Marguerite qui éveilla son cœur à l’amour), de simuler la jalousie. Il dit : « À nous deux, la France ! » ; et en lui-même il pense : « À moi ! » Pour l’assouvissement de ce moi, il expédie à Montfaucon son prédécesseur, qui est « un juste », et n’hésite pas à envoyer la reine et son favori se faire pendre à la tour de Nesle. Il serait l’homme positif et admirable de demain, si le pouvoir