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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/75

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LE DRAME MODERNE.

elle s’est commodément établie, rehausse son prestige sans doute, mais allume les ambitions et les sens. Tous ces fils du hasard, brûlés de passions magnifiques, en veulent « aux grandes dames ». Ils prolongent la Révolution dans leurs amours, et l’individualisme triomphe en la possession, sans modestie. La fatalité qui les pousse est proprement dévorante : et le monde à peine constitué se serre, pressentant le danger.

Mais voici une autre conséquence non moins logique et aussi dramatique. L’avidité et la violence étant au fond de ces passions individualistes, qui voilent d’un fatalisme poétique le positif de leurs appétits, tant pis pour la femme qui trébuche des hauteurs où la société nouvelle l’a mise. Le monde la rejette à l’instant, par un instinct de conservation. L’opinion s’élève comme une barrière, non pas contre la faute, mais contre l’envahisseur, — en attendant le règne de la loi. Lorsqu’Antony d’un poing nerveux brisa la vitre de l’auberge, un frisson de convoitise et d’admiration sensuelles parcourut les stalles et les loges. La passion moderne était déchaînée, avec effraction. C’était un spectacle à ravir, sinon la pensée, au moins l’imagination des hommes et des femmes. Mais lorsque le baron d’Hervey enfonça la porte de son appartement, la question de l’adultère faisait irruption sur le théâtre et s’y installait avec fracas. Pendant tout le xixe siècle, elle y régnera, dans le tumulte des passions et des mots, des coups de poignard ou de pistolet. Il ne s’agit plus du menu délit cocuage. N’entendez-vous point la Loi qui s’arme et les pas du Commissaire