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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/104

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

surtout par l’étude curieuse de cette complexion de femme du peuple. Au point de vue dramatique, c’est une autre affaire. La pièce est à chaque instant gâtée par une ignorance des nécessités, des conventions et des convenances scéniques, et surtout par un cinquième acte qui s’évapore par delà les frises. Cette ignorance ou ce mépris, mépris trop commode qui conduit à de singulières défaillances du tact, altère même le caractère d’Egmont, qui montre d’abord de l’énergie comme un homme de race, puis fait parade de ses galons comme un adjudant, pour se perdre enfin dans un optimisme candide et des rêves apothéotiques. Et ce sont vraiment deux pièces, avant et après l’arrivée du duc d’Albe ; et ce sont bien trois intrigues qui nous intéressent à Egmont, à Claire et au peuple ; sans compter le triple ou quadruple personnage d’Egmont, pardessus le marché d’un dénoûment d’opéra.

Mais comme Gœthe est né poète, il a trouvé quelques situations, dont Dumas fera son profit. Au moment d’arrêter Egmont, le duc d’Albe exprime avec passion ses craintes et ses espérances. C’est un moment d’angoisse essentiellement dramatique. Egmont donnera-t-il dans la souricière ? Viendra-t-il au rendez-vous[1]  ? Avant que Charles-Quint reprît à son compte et emplît ce monologue de ses visions énormes[2], Sentinelli s’en emparait dans Christine, comme d’un instrument de torture très propre à travailler le spectateur. On le bissa deux fois à la lecture faite devant le comité de la Comédie-Française. Dumas le dit : et je le crois[3]. L’émotion en est poignante ; car ce passage contient le germe d’une situation décisive, dont il prolonge l’attente et décuple l’effet.

  1. Egmont, IV, p. 343.
  2. Hernani, IV, sc. ii, pp. 107 sqq.
  3. Mes mémoires, t. V, ch. cxiv, pp. 30-31.