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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/110

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

perdue dans ce panopticum et manque de relief. Ce n’est que colossal ; c’est trop peu pour Dumas. Au reste, comme il arrive toujours dans l’œuvre de Schiller, les situations pathétiques, singulières, rencontrées et propres au théâtre, ne sont pas rares, mais noyées dans un déluge. On n’y sent ni la logique ni l’intérêt d’une pièce. La scène de Max juge de son père relève grandement la fin de l’acte II[1]. Tout le III, ou peu s’en faut, serait d’un mouvement admirable, n’était qu’il s’espace en vingt-trois scènes, indéfiniment. Wallenstein et la délégation des cuirassiers, Max et Wallenstein font des morceaux pathétiques et des coups de théâtre qu’il faut louer comme inspirés de génie[2]. Mais tout est dans tout, et le reste dans cette Mort de Wallenstein : mouvement des masses, pittoresque, orgie, fantasmagorie, astrologie, toute la guerre de Trente Ans, les bandes, les chefs, quoi encore ? Je ne parle pas de la vérité historique, qui reçoit quelques atteintes, dont Dumas ne s’étonnera bientôt plus. S’il ne la doit pas respecter davantage, il la veut du moins vivante, claire, décorative. Il y a trop de brouillamini là dedans, et trop de talent dépensé par delà les limites du théâtre. C’est un effort admirable et un grandiose fatras.

Néanmoins, un peu partout dispersées mais fortes, apparaissent aux jeux éblouis de Dumas des passions, des situations, des esquisses de scènes plutôt que des scènes faites. Il y découvre l’audace tour à tour poétique ou réaliste de l’expression, et jamais la noblesse ni la fadeur surannées. Et puis, amour, haine, courage, crainte, ambition s’y déchaînent, violents, convulsifs et presque physiologiques. Tous les nerfs,

  1. La Mort de Wallenstein (Th., II), II, sc. viii, pp. 464-467.
  2. Ibid., III sc. XV, pp. 491 sqq., et ibid., sc. xviii, pp. 498 sqq.