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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/127

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INFLUENCES ALLEMANDES.

vrai. Il invoque Shakespeare, Molière, Corneille, Racine. Granier de Cassagnac lui répond[1] que le métier dramatique n’a rien à voir ici, et que si ceux-là imitaient, ils transformaient aussi. Ce folliculaire est narquois, caustique. Il le prend de haut. Il le prend tout de travers. Dumas aussi transforme, dans sa sphère et selon son tempérament. Il n’y a pas à équivoquer. Au théâtre, le plagiat n’existe que dans les mauvaises pièces. Ou plutôt, il n’y a point de plagiat, mais des œuvres viables et d’autres non, vivantes ou mort-nées. Celui qui infuse la vie est le véritable créateur ; car, hors de cette condition, l’ouvrage dramatique, pour original qu’il soit, n’est point. Dumas nous fournira bientôt un exemple notable.

On eût réjoui Granier de Cassagnac et Loève-Veimars, qui vint à la rescousse après la représentation de Don Juan de Marana[2], si on leur eût montré l’usage économe, que fit ce prodigue, d’un manuscrit de Fiesque qu’il déclarait avoir brûlé. Ils auraient vu avec ravissement qu’il en avait écoulé peu à peu toutes les scènes et repris les principales figures et les meilleurs mouvements, depuis la baignade de Christine jusqu’à certain monologue de Caligula, sans oublier une situation importante de Catilina. En effet, jamais œuvre inédite ne fut davantage rééditée. Il y avait de quoi exercer l’académique ironie des deux rédacteurs du Journal des Débats. Mais j’imagine qu’on les eût, en revanche, fort étonnés en leur révélant que, depuis tantôt un demi-siècle, nos auteurs dramatiques tâchaient, avec plus ou moins d’audace, où Dumas réussit d’abord ; qu’après Sébastien Mercier, Ducis, Lebrun, après Pixérécourt, Casimir Delavigne avait sondé ces sources

  1. Journal des Débats. 30 juillet 1834.
  2. Voir article cité par J. Janin, Histoire de la Littérature dramatique, t. VI, pp. 288-295.