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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/169

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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

Des situations et des mots, et des mots de situation, plus rarement de caractère, n’est-ce point le drame ? Est-ce que Beaumarchais n’avait pas beaucoup de cet esprit-là ? N’avait-il pas donné l’exemple de mêler la sensibilité au comique, à la suite de son siècle, et perfectionné les moyens d’opérer ce mélange, pour le plaisir du nôtre ?

Les progrès techniques accomplis par Beaumarchais, Dumas s’en empare et les tourne au profit du drame. L’action est simple, plus simple même que chez le modèle, dans les œuvres de tenue, mais aussi rapide, accélérée et souple. Nous ne sommes plus dans la tragédie : les événements se tiennent, se commandent de proche en proche comme les anneaux d’une chaîne sans fin. On notera que sous le pittoresque de l’époque historique l’intrigue se déroule, serrée, en un mouvement impitoyable. Aussitôt que Catherine, pour servir ses propres visées sur le roi, s’est mise à agir Saint-Mégrin et le duc de Guise, c’est une progression haletante et sans cesse indiquée. Cinq actes, les deux premiers plus longs ; au milieu, un III consacré au ménage des Guise ; un IV où Guise est joué par le roi et Saint-Mégrin appelé au rendez-vous fatal ; un V passionné, effréné, étouffant et concis, comme tous les dénoûments de Dumas. Au I, Saint-Mégrin a manqué être surpris en tête à tête avec la duchesse ; au V le tête-à-tête est un guet-apens ; et tous les actes sont coupés d’un mot qui dose, suspend et avive l’émotion : « Qu’on me cherche les mômes hommes qui ont assassiné Dugast[1] ! » Et aussi le mot de la fin rappelle le début, scelle l’unité de l’ensemble. « Eh bien, serre-lui la gorge avec ce mouchoir[2] ! » Tout est lié, animé, gradué, d’une logique fiévreuse. Et c’est bien le drame, cons-

  1. I, sc. vii, p. 141.
  2. V, sc. iii, p. 198.