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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/172

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

doit couler les motifs de son développement en des mouvements de dialogue, qui en objectivent sur la scène le sens et même les mots. Un écrivain, si puissant qu’il vous plaira l’imaginer, s’il n’a point ce don, n’a point celui du drame. Hernani et dona Sol font des passages, chacun pour son compte ; ils font aussi parfois des duos, plus souvent leur partie d’un duo, la scène jamais, ou peu s’en faut. Henri III est, comme Hernani, une œuvre jeune. Mais les scènes sont sur pied ; historiques ou passionnelles, l’auteur les aborde de front, et, si je puis dire, les vide de leur contenu. Tous les développements y sont, engagés en des mouvements appropriés. Relisez celle du gantelet[1]. Il s’agit de faire paraître la violente jalousie du duc de Guise, qui s’exerce sur l’épouse, en attendant qu’elle frappe l’amant : un gantelet de fer broyant la main d’une femme, voilà le moyen dramatique. Brutal, dit-on ; c’est une autre affaire, et nous y viendrons. Ce gantelet est un symbole pour les yeux, le symbole de la passion frénétique et musclée. Pour être empruntée de Scott, la scène n’en était pas moins difficile à exécuter. Elle est poussée à fond. On y reconnaîtra sans peine six mouvements : 1o attaque brusque ; 2o la dictée de la première moitié du billet ; dialogue heurté ; répliques hachées ; 3o menaces ; le couplet se développe, l’orage des mots gronde ; 4o « mort et damnation ! » Le duc verse le contenu d’un flacon dans une coupe ; supplication ; un temps pour la prière ; l’allure se précipite ; le duc arrache la coupe : « Vous l’aimiez bien, madame !… Elle a préféré !… Malédiction sur vous et sur lui…, sur surtout qui est tant aimé[2] ! » Violent coup de barre, on s’oriente sur le dénoûment ; 5o les nerfs sont tendus.

  1. III, sc. v, pp. 169-175.
  2. Ibid., p. 173.