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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/221

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DRAMES TRAGIQUES.

inspiré Gérard de Nerval. C’est beaucoup pour une seule tragédie. Il y manque au moins l’unité d’origine.

On y chercherait vainement la souveraine raison qui est l’âme et la règle supérieure de l’art tragique, et dont l’imagination émancipée se plaît à déranger les nobles conceptions. Car enfin, il faut bien, une fois, établir une comparaison, puisque Dumas lui-même nous y oblige, et ne fût-ce que pour définir le drame tragique : Charles VII chez ses grands vassaux. Comparons donc, non pour classer, mais pour éclaircir.

L’auteur n’a pas voulu faire un drame d’action. Et qu’a-t-il voulu ? Quand on réfléchit attentivement sur sa pièce et sur l’explication qu’il en donne : « … Le comte c’était la féodalité, le roi, la monarchie. Une idée morale planait sur le tout[1] … » — on s’avise que son idée morale n’est pas tout à fait celle qu’il dit, mais beaucoup plus véritablement une conception générale de la féodalité monarchique qui plane, en effet, sur cette œuvre, et lui imprime quelque grandeur et une certaine unité d’ensemble. Je reconnais volontiers, contrairement à l’avis de la plupart des critiques, que cette conception domine la pièce ; que, par suite, l’action n’est pas double : le roi représente le principe et le comte en applique les conséquences. La France en est le protagoniste idéal, et il semble que nous ayons bien affaire à un drame national et populaire. Quand Dumas obéit à son instinct, il ne s’égare pas. Mais je songe du même coup à une tragédie, dont Rome est l’unique objet, l’âme et la vie, le patriotisme y étant la cause supérieure de toute émotion.

Rome, l’unique objet de mon ressentiment,
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant[2]

  1. Préface de Charles VII, p. 229.
  2. Horace, IV, sc. v.