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ANTONY.

et sociales. Compromise dans le monde, devant sa seule amie indulgente, aux yeux de sa domestique, et bientôt de son mari, elle meurt. Cette démence est la raison même. « Oh ! malheureuse ! Où en suis-je venue ? Où m’as-tu conduite ? Et il n’a fallu que trois mois pour cela[1] !… » Elle cède enfin, non plus à la morale relative du monde, mais à la morale de la société, faute de laquelle la France nouvelle est menacée dans ses fondamentales conventions. À partir de Diane de Lys il faudra dire : dans ses lois.

On voit le travail auquel s’est livré Dumas et en quel sens il a fait effort. Antony, à sa naissance, ne le rassure point. C’est un drame de jalousie, lyrique, violent, pathétique, et fragile. Et par suite monotone dans le paroxysme. D’une main vigoureuse l’auteur a resserré les péripéties d’une autre pièce, qui dura quatre années, qui s’acheva sans effusion de sang ni de larmes, après que son imagination avait ébauché, préparé celle-ci. À Mélanie dyspeptique Adèle, passionnément adultère malgré soi, doit la naissance. Celui qui avait crayonné la duchesse de Guise et Saint-Mégrin était tout prêt à frapper les mêmes coups de théâtre et enfoncerla même porte d’un dénoûment analogue. Après avoir exécuté Antony aussi fougueusement que le drame central d’Henri III et sa Cour, il s’est remis à son œuvre et l’a refaite. Il avait eu l’intuition de génie.

Alors il a engagé Antony en une lutte réelle avec le monde — non pas ce je ne sais quoi, qui n’est qu’un mot, sous lequel les lyriques romantiques entendent toutes platitudes et niaiseries, — mais l’hégémonie des temps modernes, l’opinion, qui remplace la tradition dans une société à son aurore. Antony sacrifie Adèle à cette puissance ; il la tue pour ce préjugé.

  1. Antony, V, sc. iii, p. 223.