Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
LES SUITES D’« ANTONY ».

Jenny est une vraie femme, sensible et frémissante, comme Adèle, courageuse et pourtant faible contre la douleur et la mort, comme la duchesse de Guise ; et si elle est de son milieu et de son époque autant que la bonne madame Leveau[1], en qui M. Jules Lemaître a déposé, avec ses souvenirs de Dumas, un peu de son âme tourangelle qu’il cache ? Et peut-être, après Richard Darlington, qu’importe Kean ?


II

« KEAN OU DÉSORDRE ET GÉNIE[2]. »

Chatterton et Kean.

Antony, s’il s’occupe de politique, veut être premier ministre. Artiste, il est génial. Nouvelle fatalité qui pèse sur ces nouveaux venus. Le génie quotidien, régulier, tout uni, n’est point leur affaire. Il sied qu’ils étonnent le monde par leurs façons. Je n’aime guère Kean ni ses fantaisies truculentes, dont le désordre est sans doute un effet de l’art. Mais Chatterton me stupéfie. Il faut étudier celui-ci pour comprendre ce qu’il y a tout de même de sens plus dramatique et moderne chez l’autre, qui parut à un an d’intervalle.

La pièce d’Alfred de Vigny a pour elle les critiques qui font profession de penser. Je connais peu d’œuvres plus crispantes et fausses : c’est un cauchemar qui se prolonge et suspend la vie. Si l’on objecte le succès qu’elle eut, je réponds qu’il est le fait des hommes de

  1. Voir le Député Leveau, déjà cité.
  2. Quoique Kean soit de 1836 et Angèle de 1833, ces deux œuvres sont égalenient des suites d’Antony, comme Richard Darlington. Aussi ai-je pris la liberté de m’attacher à l’idée qui domine la troisième partie de ce livre, plutôt qu’à la chronologie.