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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/382

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

idées en friches, l’année suivante il reprend cette situation, toujours avec Anicet, et la relie aux Suites d’Antony. Angèle est un drame de premier ordre, et Alfred d’Alvimar le modèle des hommes forts à venir (28 décembre 1833). Cette fois, Dumas mettait à découvert les générations nouvelles, et posait nettement la question de la femme moderne. Et, du même coup, il rejetait le masque de Werther. Antony apparaissait au naturel[1].

L’inspiration en fut si heureuse et l’œuvre si adroitement taillée en pleine évolution de la société, qu’elle a été refaite à chaque étape du xixe siècle. Elle est devenue successivement la Closerie des Genêts, Claudie, une Chaîne, Montjoie, Monsieur Alphonse, Denise[2], etc. L’idée était assez forte et pleine de réalité contemporaine pour porter tous ceux qui s’y sont essayés ; car aucune des pièces que j’ai citées n’est médiocre. Même en 1889 il a suffi à M. Alphonse Daudet d’adapter Angèle, et de mettre sous le couvert de Herscher et de Darwin, et non plus sous la protection de Gœthe, de Schiller de Byron ou de Chateaubriand, son « petit féroce », pour animer sur le théâtre la Lutte pour la vie. Au reste, les procédés sont analogues et les souvenirs transparents, au point qu’il semble d’abord que M. Daudet n’ait eu que la peine de faire la transposition des milieux et du langage. Paul Astier et Alfred d’Alvimar sont pareillement délibérés et cyniques ; ils ont compris que la femme, enivrée des encens qu’on lui brûle et du culte

  1. Dumas suit ici une autre tendance de sa génération. « Dans notre jeunesse, dit Mérimée, nous avions été choqués de la fausse sensibilité de Rousseau et de ses imitateurs. Il s’était l’ait une réaction exagérée, comme c’est l’ordinaire. Nous voulions être forts, et nous nous moquions de la sensiblerie. » (Portraits historiques et littéraires, Victor Jacquemont, p. 69.)
  2. A. Dumas fils, Théâtre complet, t. VII, Notes sur Denise, p. 252.