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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/67

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INFLUENCES ANGLAISES.

continuels changements voulaient être rachetés par un mouvement dramatique très rapide, qu’on sent parfois forcé, et dont les substitutions de décor exagèrent l’excès même par les temps de repos. J.-J. Weiss a noté justement que, dans l’état actuel du théâtre, l’initiation du public à la formule dramatique de Shakespeare peut être aussi longue que l’intelligence des unités[1], qui ne sont, à les bien prendre, que des règles de composition et de clarté. Ce fut l’erreur des romantiques de se réclamer de cette indépendance shakespearienne, pour mettre en scène le musée catalogué de Walter Scott, quarante-cinq ans après Beaumarchais et les progrès techniques du Barbier de Séville.

L’énigme, qui plane souvent sur les ouvrages de Shakespeare, résulte de cette liberté rudimentaire. Il a méconnu ou violé les lois les plus élémentaires du théâtre, qui n’est pas un simple assemblage de tréteaux. À cette faculté créatrice, à cette admirable raison il n’a point imposé de bornes. Il pense beaucoup et veut tout dire. Ce n’est pas le fait du drame. Il abonde en caractères, en situations, en mots de génie. Et ce génie à tout coup s’échappe. C’est la nature, la vie, le lyrisme sublime, une philosophie supérieure, qui défient trop souvent la clarté, la rectitude, la progression nécessaires ici. C’est un défaut admirable, mais pénible, sur un théâtre français, à des têtes françaises. J’admire Hamlet, comme tout le monde, mais pas davantage. Je le comprends difficilement, surtout après avoir lu une part des commentaires dont il fut l’objet. Sa folie feinte ou réelle, son attitude et ses grossiers propos à l’égard d’Ophélia, la folie et la mort de cette pauvre jeune victime d’on ne sait quoi : autant de questions difficiles pour mon entendement. Il y en a d’autres. Tout cela

  1. Le Drame historique et le Drame passionnel, ch. iii, p. 311.