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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/77

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INFLUENCES ANGLAISES.

comme on disait alors, fut « presque égalé à Shakespeare, eut plus de popularité que Voltaire, fît pleurer les modistes et les duchesses, et gagna six millions[1] » ? Qui penserait surtout qu’il éveilla des vocations historiques et fut pour Augustin Thierry une révélation ?

La critique, par un juste retour, lui a fait payer cher cette inimaginable popularité. Elle a mis à découvert la fragilité de ces reconstitutions, la frivolité de cette science archéologique, la piperie de ces peintures de mœurs féodales, et réduit ce génie, « favori du siècle[2] », à une adroite curiosité des parchemins, des dessins, des devis, du costume, du mobilier et du bibelot. Elle est impitoyable, la critique : elle a pensé entraîner, dans son travail de démolition, le drame historique même, qui avait enfin trouvé son cadre dans les romans de Walter Scott.

Au moment où Dumas arrive à Paris, ils sont dans toutes les mains. Adolphe de Leuven, Lassagne recommandent à leur ami la lecture d’Ivanhoe récemment traduit. Dans les théâtres Scott fait prime. Qui n’a pas en réserve un Château de Kenilworth pour la Porte-Saint-Martin[3] ? ou un Quentin Durward, sans compter les Amy Robsart et les Louis XI à Péronne et tous les chevaliers noirs qui s’avancent à l’assaut de la scène française, lance en arrêt, visière baissée ? Avant même d’avoir traduit la Conjuration de Fiesque, Dumas avait entrepris avec Soulié un drame, les Puritains

  1. Taine, ibid., p. 297. Cf. Byron, Don Juan, chants xl, lix, p. 730, col. 2. « … Scott, le superlatif de mes comparatifs ; Scott, dont le pinceau retrace nos chevaliers chrétiens ou sarrasins, les serfs, les seigneurs, et l’HOMME, avec un talent qui serait sans égal, s’il n’y avait pas eu un Shakespeare et un Voltaire. De l’un des doux, ou de tous les deux, il semble l’héritier. » C’est beaucoup dire.
  2. Ibid., p. 297.
  3. Mes mémoires, t. IV, ch. cviii, p. 267.