Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

soupirant[1]. » Ce sourire amer, rebelle, athée, qui rappelle celui de Méphistophélès et nous rapproche du Franz des Brigands, ce sourire s’est imprimé dans l’imagination de Dumas, et peut-être pourrons-nous dire : des Dumas. Fatal ou ironique, démoniaque ou un peu hautain, c’est celui d’Antony, de d’Alvimar et de Buridan, comme aussi, modifié et transformé par le temps et les mœurs, le petit sourire supérieur, dédaigneux, avec une nuance d’incrédulité, qui arme les lèvres d’Olivier de Jalin, de l’ami des femmes et de M. Alphonse.

Tout de même la contrariété est piquante de ces héros de Dumas à la fois pâles et flamboyants, avec leur rictus satanique et leur sensibilité déchaînée, qui sont tout expansion et tout explosion, et qui affectent les regards, les postures, les gestes empreints d’une fatalité mystérieuse. Pourtant ils ne font mystère ni de leurs passions, ni de leurs désirs, ni de leurs appétits, oh ! non. Mais ils ont jugé la vie, la société, ils en détestent les entraves, les contraintes, ils se redressent contre le cant français, dont il ne semble pas qu’ils aient trop à se plaindre. Ils « habitent dans leur désespoir », et surtout dans celui des autres, qu’ils trouvent plus confortable ; leur existence est « une convulsion[2] », mais naturelle et douce, et ils y prennent volontiers leur agrément. L’angoisse de Manfred est écrite sur leur visage ; ils sont des « lions », mais non pas « seuls comme le lion[3] » ; aux heures où la grimace et les paroles deviennent superflues, alors ils se reprennent à vivre furieusement, ils ne semblent plus du tout des « citoyens ennuyés du monde[4] ». Au fond, ils ont foi

  1. Le Corsaire, chant I, ix, p. 90, col. 1.
  2. Manfred, I, sc. i, p. 358, col. 1. « C’est une convulsion, mais non pas une vie naturelle, »
  3. Manfred, III, sc. i, p. 345, col. 2.
  4. Le Pèlerinage de Childe Harold, chant II, xxi, p. 160, col. 1.