Aller au contenu

Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
FRANÇOIS VILLON.

Ce cadre ingénieux et souple est-il de l’invention de notre poète ? On peut rapprocher des Lais les Congés des poètes artésiens Jean Bodel, Baude Fastoul et surtout Adam de la Halle : en quittant Arras, — les deux premiers pour s’enfermer dans une léproserie, le troisième pour se rendre à Paris, — ils adressent à leurs concitoyens des adieux qui ont souvent un caractère satirique ; l’analogie est toutefois assez lointaine, et il n’est pas probable, en outre, que Villon ait connu ces poésies. Il connaissait le Testament de Jean de Meun, mais cette œuvre remarquable ne contient, avec des réflexions morales et pieuses, que des traits de satire générale, et n’a pu lui servir que très vaguement de modèle. Beaucoup plus voisin du genre de nos deux poèmes est le testament que le brave Jean Régnier avait composé en 1432. Ce Jean Régnier, bailli d’Auxerre pour le duc de Bourgogne, était tombé entre les mains d’ « écorcheurs « du parti français, qui l’avaient emprisonné à Beauvais et ne le relâchèrent qu’après dix-sept mois, quand il eut payé la première partie d’une forte rançon et laissé en otage du reste sa femme et son fils. Il charma ses loisirs forcés en composant une foule de poésies, médiocres de forme, mais amusantes, et très curieuses pour la connaissance des mœurs de cette époque troublée. Dans le nombre se trouve un testament, qu’il fit à un moment où il se demandait s’il sortirait vivant de sa geôle. On y trouve quelques traits qui rappellent celui de Villon, et notamment toute l’ordonnance de ses funérailles. Mais le testament de Régnier, quoique à moitié badin, a cependant un fond sérieux : le pauvre bailli plaisantait, mais de vraies larmes fai-