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Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/159

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L'ŒUVRE.

et nous parle librement de son physique, de sa santé, surtout de ses besoins d'argent. Christine de Pisan a laissé s'échapper dans ses gracieuses poésies, — dont la plupart ont sans doute, malheureusement, été composées au nom d'autres personnes, — plus d'un soupir sur son triste veuvage. Dans le monde factice qu'anime l'ingéniosité de Charles d'Orléans passe aussi un souffle de la vie réelle de l'auteur, vie qui eût été si vraiment poétique s'il avait su l'exprimer et d'abord, on peut le dire, la comprendre. Mais aucun poète ne s'était encore avisé de se prendre lui-même pour le sujet central de son œuvre, celui vers lequel tout converge, et c'est ce qu'a fait l'auteur du Testament, car toutes les marionnettes dont il tient les fils dansent leur ronde autour de lui et sont en rapport intime avec celui qui les fait mouvoir.

De cette poésie qu'il avait inaugurée il est resté longtemps le seul représentant. Les poètes du xVIe siècle étaient trop occupés à copier les modèles grecs, latins et italiens pour avoir le loisir de regarder en eux-mêmes : seul Du Bellay a mis un peu de son âme dans deux ou trois sonnets, qui par là même se détachent du reste de son œuvre. Régnier parle de lui-même avec une franchise qui rappelle celle de Villon, et qui par endroits est aussi pathétique ou aussi cynique, mais Régnier est en tout un isolé. Au xVIIe siècle, attaché avant tout à l'expression noble, élégante et juste d'idées générales, il n'y a que La Fontaine qui laisse çà et là percer quelque trait naïf ou charmant sur sa façon de comprendre et de goûter la vie, sur son âme indolente, voluptueuse