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Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/85

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LA VIE.

et sur la France pendant tant d’années avait habitué tout le monde à chercher n’importe quel moyen de soutenir sa vie. La justice, armée contre les malfaiteurs de pénalités excessives, en suspendait sans cesse l’exécution devant les menaces, la faveur ou simplement l’argent. Des hommes condamnés vingt fois pour crimes étaient chaque fois l’objet de grâces que rien ne justifiait et reprenaient leur vie accoutumée jusqu’à ce que la mesure fût trop pleine et qu’un dernier méfait les menât à la potence. Le sentiment de la dignité personnelle était presque aboli : les grands seigneurs trahissaient, se parjuraient, dépouillaient les pauvres ; les gens du roi usaient de leur autorité surtout pour remplir leur bourse ; le Parlement, non payé de ses gages, se récupérait sur les plaideurs ; l’Église, dont beaucoup de membres menaient une vie abjecte, exploitait le peuple tant qu’elle pouvait au moyen de ses indulgences vendues à beaux deniers comptants, et donnait entre ses dignitaires le spectacle des luttes les plus éhontées ; l’Université vendait ses titres, et les docteurs rivalisaient de cupidité avec les officiers royaux et de grossière débauche avec les écoliers ; ceux-ci trouvaient naturel de vivre de « repues franches », et consacraient sans vergogne des poèmes à chanter ces nobles exploits ; le peuple, écrasé de tous côtés, se revanchait de son mieux et jugeait légitime toute reprise de ce qu’on lui extorquait. Les mœurs proprement dites n’étaient pas meilleures que la probité : le duc de Bourgogne faisait son entrée solennelle dans Paris entouré de ses bâtards ; Charles VII exigeait pour la dame de Beauté les mêmes bon-