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ACTE III.

En terre, vers ce tronc, qu’il tenoit embraſſé :
Après l’avoir long-temps arrouſé de ſes larmes,
Sa douleur l’a contraint à prendre d’autres armes.
Ie me ſuis approché connoiſſant ſon deſſein,
En ſaiſiſſant le fer qu’il portoit dans ſon ſein :
Il a fait ſes efforts pour me le faire rendre,
Mais i’ay ſceu contre luy doucement me deffendre :
Ayant caché ce fer, i’ay fait tout mon pouuoir
Pour taſcher d’arreſter son cruel deſeſpoir :
Et ie le prie en vain, la fureur le transporte,
Rien ne peut l’adoucir, à tout coup il s’emporte,
Ie l’ay quitté pourtant, en l’ayant deſarmé
De ce fer, qui pour luy m’auoit tant allarmé :
Il m’apelle meſchant, cruel, impitoyable,
De vouloir prolonger ſon deſtin miſerable :
Dans ce torrent de maux ie le laiſſe crier,
Malgré tous ſes tourmens, il a beau me prier,
Ie l’ay laiſſé tout ſeul dans ces dures atteintes,
Qui faiſoient retentir la foreſt de ſes plaintes :
Sçachant le deſeſpoir où ſe porte l’amour,
Ie l’ay voulu reuoir dans ce triſte ſejour :
Mais qu’ay ie veu, bons Dieux ! au lieu du perſonnage,
I’ay veu touchant le Myrthe vn Olivier ſauuage :
Apres tant de langueurs ſes voeux ſont exaucez,
Il a tarit ſes pleurs, ſes tourmens ſont paſſez :
Ces rameaux vont ioignant ceux la de ſon amante,
Qui peut faire iuger combien elle eſt contente
De voir ce cher Berger.

ESCLAVE.

De voir ce cher Berger. O merueille des Dieux !
Trop heureux Hermodan, pouvois tu iamais mieux
Te rencontrer ?