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Page:Pascal - Pensées, éd. Havet.djvu/89

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ARTICLE I.

et trop de proximité empêche la vue ; trop de longueur et trop de brièveté du discours l’obscurcit[1] ; trop de vérité[2] nous étonne : j’en sais qui ne peuvent comprendre que qui de zéro ôte 4 reste zéro. Les premiers principes ont trop d’évidence pour nous. Trop de plaisir incommode. Trop de consonnances déplaisent dans la musiqueErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu. ; et trop de bienfaits irritent[3] : nous voulons avoir de quoi surpayer la dette[4] : Beneficia[5] co usque læta sunt dum videntur exsolvi posse ; ubi multum antevencre, pro gratia odium redditur.


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3 « bans la musique. » Supprimé dans P R. On pourrait croire alors qu’il s’agit des consonnances de mots dans le discours. Voici la définition des consonnances en musique d’après le dictionnaire de musique de Rous— scau : « C’est, suivant l’étymologie du mot, l’effet de deux ou plusicurs » sons entendus à la fois ; mais on restreint communément la signification » de ce terme aux intervalles formés par deux sons dont l’accord plait à v l’oreille. »

P. R. a supprimé aussi tout le reste de la phrase. Les éditeurs ont jugé peut-être que cette observation morale se rapportait à un tout autre ordre d’idées, et que la délicatesse d’amour-propre, qui nous rend souvent im- patieuts d’un bicnfait trop supérieur à notre reconnaissance ; n’a rien de commun avec la faiblesse naturelle de notre faculté de sentir.


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  1. « Du discours l’obscurcit. » P. R. : obscurcissent un discours. Discours est pris ici dans un sens très-général, comme le λόγρς des Grecs ; c’est tout ce qu’on dit ou ce qu’on écrit. Ainsi, page 4 : et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours. C’est-à-dire de nos réflexions, de notre raisonnement.
  2. « Trop de vérité. » Ce qui suit, jusqu’à, pour nous, manque dans P. R., soit que les éditeurs n’aient pas approuvé la pensée de Pascal, soit qu’ils ne l’aient pas comprise. J’avoue qu’en effet je ne puis comprendre comment qui de zéro ôte quatre reste zéro. Dans la langue vulgaire, ôter quatre de zéro n’a aucun sens ; et dans la langue mathématique, si de zéro on ôte quatre, il reste — 4, et non pas zéro. Peut-être en effet qu’il s’est trompé en écrivant, et que c’était là ce qu’il voulait mettre. Il aurait pu citer aussi la propriété des asymptotes ; c’est là une vérité qui étonne beaucoup de gens. Mais cependant peut-on dire qu’il y ait jamais quelque part trop de vérité, trop d’évidence ? Quand on s’étonne d’une vérité, est-ce parce qu’elle est trop vraie, trop évidente, ou seulement parce qu’elle est abstraite et ne tombe pas sous le sens ?
  3. « Irritent. » Pascal avait mis d’abord : nous rendent ingrats ; il a trouvé cela trop faible.
  4. « La dette. » Pascal avait ajouté ces mots, qu’il a barrés : Si elle nous passe, elle blesse.
  5. « Beneficia. » C’est un passage de Tacite (Ann, IV, 18), cité par Mon-