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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/111

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LES MONNERON

tout mon après-midi. J’ai fini ce matin mes corrections de copies. Quelle poésie que celle de ces Grecs, et comme ils ont des touches qui rendent tout vulgaire à côté ! Écoute ceci, c’est dans la strophe B’ du second chœur, sur Ménélas abandonné : Dévoré du regret de celle qui est au delà des mers, il erre comme un fantôme dans son palais. De belles statues l’entourent et redoublent sa douleur. Car une statue n’a pas d’yeux, et, sans regard, plus d’enchantement d’amour !… Est-ce rendu, est-ce humain, ce besoin d’aimer ce qui peut répondre, ce qui peut sentir, ce qui peut vous voir l’aimer ?… Et, sur Hélène encore, un peu plus loin, te rappelles-tu ? Il vient de la comparer à un lionceau, élevé dans une maison, et qui d’abord flatte parce qu’il a faim. Quel trait ! Puis la férocité se réveille, et la bête cruelle tue et dévore. Et le chœur continue : Telle, si j’ose le dire, Hélène entra dans la cité d’Ilion, âme sereine comme le calme des mers, beauté qui ornait la plus riche parure, doux yeux qui perçaient à l’égal d’un trait, fleur d’amour, fatale au cœur… Mais quel poète ! Quel poète ! » Et il répétait : « Âme sereine comme le calme des mers !… C’est toute la grâce et tout le danger de la femme ! Et c’est toute la grâce et tout le danger de la Méditerranée !… Il faut l’avoir connue, cette mer lumineuse, pour comprendre ces poètes grecs. Elle entre partout dans les moindres replis de leurs vers, comme elle entrait dans les moindres criques de leurs côtes. Et cette Méditerranée est encore dans ce magnifique début du