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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/113

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LES MONNERON

quand il est bon, — Aristophane… Il n’est pas assez démocrate pour mon goût, celui-là, mais c’est bien de lui qu’on peut dire ce mot de notre vieux maître de l’École normale : « Ah ! que ces Grecs étaient canailles, messieurs, mais qu’ils avaient donc de l’esprit !… » C’est égal. Pour moi, aucun ne vaut le vieil Eschyle, et cela me fait plaisir de penser qu’il était, comme Victor Hugo, aussi bon citoyen que grand poète. Âme sereine comme le calme des mers !… Tiens, lis-moi ce passage tout haut, dans le texte… »

Il tendait à Jean le petit volume qui avait tant traîné dans sa poche depuis le jour où, élève de première année dans sa chère École, il l’avait acheté d’occasion dans une boîte des quais. Le jeune homme commença de déclamer les vers grecs dont son père redisait les mots qu’il savait par cœur. Où trouver le courage de réveiller le visionnaire de son rêve, si ce rêve était tout à fait inconscient ? Et si ce rêve était volontaire, si Joseph Monneron se réfugiait dans un monde idéal, pour ne pas se déchirer trop douloureusement à l’autre, pour ne pas le voir, comment avoir le courage de le rejeter au réel ? Tout en prononçant des lèvres les paroles du texte grec, Jean écoutait la voix intérieure lui redire un autre vers bien humble, bien indigne de l’Agamemnon et du génie antique, celui qu’il avait cité à M. Ferrand :

Mon fils sera mon consolateur…

Et voilà pourquoi, lorsqu’il sortit du cabinet de