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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/132

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L’ÉTAPE

dres ébauches de sentiments romanesques qui traversaient son imagination de jeune homme, il n’avait pas d’autre confident. Il reprit son calme en l’entendant continuer :

— « Tu m’apportes ta démission de la Tolstoï. »

— « Moi ? » s’écria Jean. « Qui te fait croire ?… »

— « Bien des signes, » reprit Crémieu-Dax, « quand ce ne seraient que des phrases comme celles que tu viens de prononcer. Si tu les penses vraiment, tu n’es plus avec nous. Tu n’as plus paru ici, depuis le 6 août. Je ne te le reproche pas. Je trouve cela très naturel. Mais j’en conclus que, si tu viens ce soir, tu as une raison. Et puis, je sais combien tes préoccupations sont ailleurs. On m’a dit à la Bibliothèque de la Sorbonne que tu n’y prenais plus que des livres d’apologétique catholique. Tu as encore demandé un Saint Irénée, mardi, les Hérésies. Suis-je bien renseigné ? Tu es retourné chez Ferrand, où aucun de nous n’est plus allé depuis 98. Ne dis pas non. Je vous ai rencontrés ensemble dans le Luxembourg, l’autre semaine. Tu nous quittes ? Avoue-le ! »

— « Quand je voudrai vous quitter, » répondit Jean, avec une vivacité qui révélait sa révolte contre l’inquisition dont ce passionné Crémieu-Dax l’avait enveloppé, « tu n’auras pas à m’interroger là-dessus. Je prendrai les devants. Je lis ce qui me plaît. Je vois qui me convient. Et si je suis ici ce soir, c’est parce que Rumesnil est venu à la maison, ce matin, me rappeler la discussion