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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/191

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LE CHEMIN DU CRIME

avec Son fils Antoine faussaire et voleur ! Comment le professeur supporterait-il une pareille révélation sans se demander : « Pourquoi ? » Dans les réponses à ce pourquoi, tant d’autres questions étaient enveloppées ! Jean aperçut, du coup, cette perspective : ce total écroulement du château de chimères où s’abritait la sensibilité trop blessable du fonctionnaire mal marié, mal établi dans l’existence, mal renseigné sur les lois du monde moral et social, et résolu à ne pas reconnaître ses erreurs, pour ne pas désespérer. Une fois de plus, l’instinct du « consolateur » fut de se jeter entre son père et la réalité. Il fit écho à une protestation dont il savait qu’elle avait tort, même sans connaître le détail des charges portées contre Antoine. Tout, pour lui, n’était déjà que trop clair. L’amant d’Angèle d’Azay ne pouvait vivre, comme il vivait, avec ses ressources avouées. Il s’en procurait d’inavouées, autant dire d’inavouables. Les moyens pour avoir de l’argent sans en gagner sont limités : il fallait ou qu’Antoine en reçût de quelqu’un ou qu’il en volât. Le socialiste Riouffol l’avait accusé d’en recevoir, et de sa maîtresse, mais sans preuves. Le chef de son bureau l’accusait d’en avoir volé, et celui-là n’était pas, comme leur cousin l’ouvrier, un envieux et un fanatique. Un homme du caractère et de la position de M. Berthier n’avait certes point parlé au hasard. Cet irréfutable raisonnement s’imposait à l’esprit de Jean, avec une de ces évidences qui devancent la réflexion, ce qui ne l’empêchait pas de dire à son