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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/217

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LE CHEMIN DU CRIME

Dieu, dans quelque église, pour épouser une catholique qui ait un petit magot, Mlle Ferrand, par exemple. Tu seras peut-être trop heureux alors de me trouver entre le père et toi. Sois tranquille, je m’y mettrai. Je suis bon diable. J’arrangerai tes affaires. En attendant, encore bonsoir… »

Comment ce dangereux garçon, et qui semblait si absorbé par son plaisir, avait-il surpris le secret du cœur de son frère ? Jean ne se le demanda même pas, tant il demeura confondu de cette brutale allusion à son délicat et tendre roman. Pareil à tous les amoureux, il avait suivi son rêve, depuis qu’il s’intéressait à Brigitte, sans prendre garde qu’il était observé. Par qui ? Par Crémieu-Dax d’abord. Le fondateur de l’Union Tolstoï avait rencontré Antoine un jour et lui avait tout naturellement demandé, avec l’esprit d’inquisition qui lui était habituel, quand il s’agissait de l’avenir de son œuvre : « Que devient ton frère ? Tu n’as pas remarqué qu’il s’occupe beaucoup de questions religieuses ? J’ai peur d’une influence cléricale. Tu n’as pas une idée là-dessus ?… » Antoine avait lui-même interrogé leur sœur : « Crémieu-Dax m’a l’air de croire que Jean va se faire catholique. Est-ce possible ?… » — « Je crois surtout qu’il est amoureux, » avait répondu Julie. « Je l’ai rencontré au Luxembourg avec son ancien professeur, M. Ferrand, et sa fille. Il lui faisait des yeux ! Et, comme Brigitte est une petite bigote… » Là-dessus encore, Antoine avait fureté