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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/229

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LE CHEMIN DU CRIME

avant de toucher à un seul des antiques outils de répression morale que l’expérience des siècles nous a légués. Entre un jeune homme vaniteux et léger, comme avait été Antoine à dix-huit ans, et le faussaire qu’il était devenu, qu’y avait-il eu ? L’œillade d’une créature aperçue sur un champ de courses. Et maintenant, fou de terreur, que venait-il de concevoir ?… Ce portrait sur sa cheminée, c’était celui de sa sœur Julie. Il le prit dans sa main et il commença de le regarder indéfiniment, comme si un dernier reste d’affection fraternelle luttait en lui contre la démarche abominable dont il sentait déjà qu’il ne pouvait pas ne pas la faire :

— « Ah !» dit-il entre ses dents serrées, en remettant le portrait à sa place, « je serais trop bête de ne pas essayer… Rumesnil est riche ! Allons-y ! Les cinq mille francs sont là… »