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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/350

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L’ÉTAPE

rait… Ah ! elle l’ignorerait toujours ! Elle n’irait jamais dans l’immonde endroit ! Elle ne s’abandonnerait jamais à ces mains agiles et scélérates qu’elle voyait prenant ces outils de métal ! Jamais ! Jamais !… L’hallucination était si forte qu’elle se surprit prononçant ces mots à haute voix : « Jamais ! Jamais !… » avec des gestes qui firent se retourner plusieurs passants. Un d’eux, un de ces promeneurs du Quartier Latin qui, vers l’heure du dîner, guettent les jolies filles sur les trottoirs des rues, autour du Luxembourg, fut tellement étonné de ses allures qu’il la suivit et l’aborda… Le saisissement que cette approche d’un inconnu infligea à Julie la rendit à la vérité de sa situation actuelle, et elle était du moins entièrement lucide quand elle entra dans l’appartement de la rue Claude-Bernard. Par bonheur elle ne s’y rencontra pas, comme elle l’avait appréhendé, en face de Jean. La seule personne présente au logis était Mme Monneron, qui la reçut par ces aimables paroles :

— « D’où arrives-tu encore, avec cet air de tomber de la lune ? Tu trouves cela convenable de revenir si tard ? Il est six heures, et Pauline m’a dit que tu étais sortie à deux… »

— « J’ai été occupée… » répondit Julie, avec le visage bougon qu’elle savait opposer aux questions qui la froissaient, et elle passa dans sa chambre, sans daigner ajouter un mensonge en paroles au mensonge en action que représentait le petit rouleau dont elle s’était munie à son