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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/445

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LE PÊRE ET LE FILS

père, qui a eu avec moi la scène la plus pénible. Bref, j’ai quitté la maison, et je suis à l’hôtel Gallia, boulevard Saint-Germain, sous le nom de Monsieur de Montboron. J’ai déjà une affaire assez importante en perspective qui m’assurera de très gros bénéfices, à très court délai. Il me faudrait un petit capital pour l’entreprendre. J’ai compte que tu ne me refuserais pas de m’avancer cinq autres mille francs, ce qui fera, avec les précédents, une somme ronde. Le tout te sera restitué au premier argent que je toucherai dans cette affaire. Aussitôt que tu m’auras envoyé la chose, tu recevras quelques lettres, assez intéressantes pour toi, que le hasard a mises en ma possession. Tout à toi et merci d’avanceAntoine Monneron… »

— « Ce sont des lettres qu’il a volées dans mon secrétaire, sans doute, » dit Julie, comme Jean demeurait atterré, ce papier entre les mains… « J’avais l’air d’être sa complice. Adhémar l’a cru… Je n’ai pas su me justifier… J’étais à bout… »

— « Mais cette histoire, que M. Berthier est revenu sur sa première décision et a parlé à notre père, elle n’est pas vraie, n’est-ce pas ?… »

— « Je crois que si, » répondit la jeune fille. « Antoine a déjeuné ce matin, par exception, et il avait l’air très affecté… Quand je suis sortie de la maison, M. Berthier était bien là. Je l’ai croisé, comme je quittais ma chambre… Sans cette lettre, je n’aurais même pas mis ces deux faits ensemble… J’étais si troublée… »

— « Alors, c’est vrai !… » dit le jeune homme, puis avec un accent d’épouvante, il ajouta,