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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/448

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L’ÉTAPE

vous tiendrez au chevet de votre sœur… On mettra ce paravent auprès. Il est important qu’elle surtout ne s’aperçoive pas de son passage dans la chambre. Je ne répondrais plus de sa raison, si, dans l’état ou elle se trouve, elle avait de nouvelles secousses. Tout dépend donc de votre calme, monsieur Monneron. J’aurais peut-être le droit de l’exiger de vous. Je me borne à vous rappeler qu’outre le danger d’ordre physique, un scandale ici risquerait de donner, à une épreuve déjà bien cruelle, un épilogue judiciaire. »

— « Il n’était pas besoin de ce dernier argument, » répondit le frère offensé. « Les autres suffisaient. Faites sortir cet homme. Je ne le regarderai ni ne lui parlerai. Il est mort pour moi… » C’était bien vrai qu’en dehors même du souci d’éviter à sa sœur une émotion peut-être fatale, l’honneur voulait que Jean épargnât son ancien ami dans des instants où celui-ci venait d’être blessé par Julie et s’en taisait. Pourtant, de tous les moments si durs traversés depuis ces derniers jours, aucun n’avait été plus pénible au fils de Joseph Monneron, que celui qu’il passa, accoudé près de sa sœur, dont il tenait la main, à la regarder qui, littéralement anéantie par l’effort de leur conversation, fermait de nouveau les yeux, et il écoutait, par derrière le paravent, une porte s’ouvrir, si doucement que la malade, elle, ne l’entendit pas. Il l’entendait, lui, et aussi le pas du traître, étouffé par le tapis, et son souffle retenu, et sa présence !… La sauvage révolte, animale et