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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/45

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L’OBSTACLE

aussi, j’en suis sûr, et elle aurait raison, comme vous avez raison. Vous agissez tous deux suivant votre conscience. Je ne peux pas ne pas agir suivant la mienne, et elle ne me permet pas de me faire catholique… »

— « Donnez-moi la main, mon enfant, » dit M. Ferrand. L’accent de son ancien élève lui avait infligé une fois de plus l’émotion très particulière qui naît chez les vrais apôtres au contact de certaines âmes d’incrédules. Ils les sentent si belles, si chaudes, et, les trouvant étrangères à leurs idées, ils en souffrent. Ils voudraient communier avec ces nobles sensibilités dans une foi pareille, et, tout en se défendant d’exercer sur elles aucune pression, il faut qu’ils s’essaient à se les attirer. La tentation était trop forte et si instinctive ! Persuadé qu’il agissait uniquement pour le bonheur de sa fille, le père de Brigitte ne se doutait pas que c’était aussi le besoin de conquérir cette généreuse intelligence qui lui faisait, en ce moment même, insister, avec cette douceur prenante, qui est le don des maîtres. « J’ai bien désiré, » continua-t-il, « que votre résolution fût autre… Si j’ai accueilli votre demande comme je l’ai fait, vous l’avez compris, c’est que j’ai vu dans ce mariage toutes les chances de bonheur pour Brigitte, et c’est aussi que je vous aime beaucoup, mon enfant. Je vous l’ai prouvé à trop de reprises pour que vous en doutiez. À cause de cette amitié, et pour que vous pussiez toujours revenir chez moi sans arrière-pensée,