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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/490

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L’ÉTAPE

son abus de confiance, lui qui a toujours prétendu ne pas se servir de sa chaire pour faire de prosélytisme… »

Ce désir, ce besoin plutôt d’être quitte envers cet antagoniste spirituel le dominait si fortement qu’il fit une action, pour lui extraordinaire. — Il eût compté les fois où il se l’était permise depuis trente années de service universitaire. — Il sortit, en laissant chez le concierge un mot d’excuse pour un élève qui devait venir à deux heures, prendre une répétition. Il voulait exécuter sans retard un projet, ébauché dans sa tête, aussitôt qu’ayant su par M. Berthier le vol des cinq mille francs et leur restitution par Antoine, il avait soupçonné celui-ci d’un emprunt ou d’une autre indélicatesse. Toutes ses économies se réduisaient, on ne l’a pas oublié, à une assez grosse assurance sur la vie, destinée à sa veuve, en cas de décès. Il avait décidé de contracter un prêt sur sa police. Il n’y avait pas une demi-heure qu’il s’était levé de table et il était dans les bureaux de la Compagnie, situés place du Théâtre-Français. Il en sortit pour remonter en voiture et se faire conduire en grande hâte jusqu’à Passy, rue Cortambert. Il se rendait chez Barantin. Voici pourquoi : l’employé préposé à ces sortes de transactions venait de lui déclarer que les formalités d’un pareil emprunt exigeaient deux jours. Joseph Monneron avait donné les ordres en conséquence. Et puis il lui était si pénible d’attendre ces quarante-huit heures qu’il allait prier son coreli-