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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/523

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BRIGITTE FERRAND

Idem velle, idem nolle, ea demùm amicitia est. Il n’y a d’amitié, comme il n’y a de famille, que dans la communion de la foi profonde. Nous l’avons eue, cette communion. Nous ne l’avons plus. Nous ne vivrons plus ensemble, cœur à cœur, esprit à esprit. On ne peut pas empêcher les idées de nous mener où elles vont elles-mêmes. La guerre entre Rome et Jérusalem n’a pas commencé d’aujourd’hui. Elle date de Titus et de la bataille autour du Temple. C’est la lutte entre l’organisation conservatrice que représentaient les légions et l’Idéal que représentait Israël, entre la politique réaliste, mais toute en compromis, et l’absolu, entre l’ordre pacificateur, mais inique, et la Justice révolutionnaire, mais sublime. Regarde bien au fond, et vois si nous ne venons pas de nous redire dans le langage d’aujourd’hui les mots de ce dialogue tragique qui a commencé par un duel autour de la montagne du Moriah… Nous ne pouvons pas plus être deux amis que si nous étions dans les deux armées qui se sont heurtées là, toi d’un côté, moi de l’autre… Mais tout de même, » ajouta-t-il d’un accent profond, « au nom de notre commun passé, promets-moi de ne jamais m’oublier tout à fait… »

— « Je te promets que je serai toujours ton ami, même malgré toi !… » dit Monneron. L’autre secoua la tête. Une inexprimable tristesse passa dans ses yeux, celle de l’éternel exilé dont la seule existence est la miraculeuse preuve que les prophéties sont accomplies et qui refuse de reconnaître