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Page:Paul Vibert - Mon berceau, 1893.djvu/195

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LA SALLE MONTESQUIEU

d’ébène, tant il est vrai qu’il y a des grâces d’état.

Le type était curieux, il fallait entamer la conversation.

— Comme cette salle est belle, quel coup d’œil, quel mouvement, vus ainsi du premier ?

— Oui, monsieur, près de huit cents mètres superficiels ; mais ce n’est rien maintenant, il fallait voir ça autrefois, quand les jambes se trémoussaient à la place des fourchettes.

Le bonhomme était allumé, je n’avais plus qu’à l’écouter et à alimenter le feu par quelques interjections admiratives, savamment jetées à propos.

— Comme j’avais l’honneur de vous le dire, moi qui vous parle, j’ai passé le meilleur de ma jeunesse ici. Ah ! on s’amusait mieux qu’à présent. Ça n’était pas aussi grand genre qu’à l’avenue Montaigne, vous m’entendez ? Mais ça avait plus de piquant.

Et pour me montrer qu’il était de son temps présent, aussi bien que du passé, l’œil allumé, reniflant l’air fortement, le cou tendu vers le fond de la salle, en me désignant par une mimique expressive les cuisines et la bonne odeur qui s’en échappait, brusquement :

— Au fait, ça n’a pas changé, ce sont toujours des marmites, mais ça ne fait rien, j’aimais mieux celles d’autrefois, c’était plus frétillant et puis,